A chacun ses propres leviers de motivation
Par Sandrine Guinot juillet 2011
La motivation gagne en puissance dans les entreprises qui l’entrevoient de plus en plus comme un moyen de lutte contre la souffrance et le désengagement au travail. Comment la mettre en œuvre ? Quel est le rôle des collaborateurs et des managers dans la mise en œuvre de ce processus ? Le point sur un phénomène en croissance.
« Propre à chaque être humain, la motivation est de par nature complexe », observe Roland de Saint Etienne, professeur en psychologie à l’EPP (Ecole de Psychologues Praticiens à Paris). « Nous avons tous effectivement nos propres leviers ou drivers », ajoute l’animateur du séminaire « Développer l’enthousiasme de vos collaborateurs et partenaires : levier de la performance »*.
En conséquence, vouloir agir directement sur la motivation de chacun est une mission vouée à l’échec. « En revanche, il est tout à fait possible de réunir toutes les conditions nécessaires à la création d’un terreau propice à l’éclosion de l’auto-motivation de chaque collaborateur », souligne Roland de Saint Etienne.
Savoir être maître de sa propre motivation
Si le manager a un rôle primordial à jouer pour favoriser l’éclosion de la motivation, les collaborateurs ont également le leur. Chacun d’entre eux doit se poser une question : qu’est-ce qui m’amènerait sans hésiter à répondre à une proposition de mission ? « Il faut ensuite étudier ce que révèle chaque élément donné pour arriver à une liste de 5 à 6 drivers ou leviers de motivation essentiels. » Avec cette grille d’évaluation en tête, il sera alors possible de jauger si le poste ou la mission proposée correspond bien à ses attentes. Une démarche que peu de candidats et collaborateurs entreprennent, regrette Roland de Saint Etienne car « bien se connaître permet de gagner du temps et d’être notamment plus proactif en entretien, en interrogeant le recruteur afin de voir si ses leviers de motivation pourront bien être actionnés. »
Le rôle clé du manager
Élément primordial du processus, le manager doit lui aussi mettre en place de nouvelles façons de faire. « Cela commence par s’intéresser à chaque collaborateur en tant qu’individu », préconise le professeur en psychologie. « Se préoccuper des forces mais aussi des faiblesses et problèmes de chaque salarié, c’est déjà une façon d’apporter de la reconnaissance, un élément dont manque un grand nombre de professionnels français et l’une des causes les plus souvent invoquée en matière de souffrance au travail. »
Afin de créer un terrain propice au développement de l’auto-motivation de chaque membre de son équipe, le manager doit également s’interroger sur son comportement pour Roland de Saint Etienne : « Est-il assez clair ? Donne-t-il suffisamment de retour sur le travail bien fait ou sur ce qui ne va pas ? Un élément capital ! Fait-il aussi preuve d’exigence sans pour autant tomber dans un excès de critique constante ? » Selon le consultant et coach en psychologie, mettre en œuvre un projet d’équipe, en lien avec le projet global de l’entreprise, où chacun participe et apporte sa valeur ajoutée, peut aussi faire la différence : « le manager doit alors accepter de ne plus être le porteur du projet mais son animateur. C’est une prise de risque certes, mais elle a un véritable impact sur la motivation ».
A chaque situation son management
Si la manière de manager doit différer selon les individus, elle doit aussi tenir compte du niveau d’intégration du collaborateur au sein de l’entreprise remarque le professeur en psychologie. Ce dernier recommande le management ou leadership situationnel proposé par Kenneth Blanchard et Paul Hersey : « quand un salarié arrive dans l’entreprise ou à un nouveau poste, il est en état de grâce. Son expertise est au plus faible mais sa motivation est à son niveau le plus haut. » À ce stade, le manager doit être directif, fixer des règles alors que le plus souvent le collaborateur est laissé à lui-même, le temps de prendre ses marques, « mais si le salarié n’a pas de directive, il se sent perdu et se démotive ».
Vient ensuite une phase de crise, caractérisée par une chute de la motivation plus ou moins forte selon chacun. « C’est un stade de rupture, qui peut tout à fait passer inaperçu si le manager sait être présent, aider et accompagner le collaborateur », observe Roland de Saint Etienne. Après la démotivation, vient la progression où expertise et motivation augmentent parallèlement. « À ce moment-là, le manager doit davantage devenir un coach et adopter un management plus participatif. » La phase suivante dite de maîtrise est la plus longue, elle exige du manager de savoir déléguer et surtout anticiper en proposant des missions qui permettront de maintenir la motivation du collaborateur. « Cela peut aussi vouloir dire avoir le courage de laisser partir une personne plutôt que de la garder coûte que coûte, si aucune perspective d’évolution n’est envisageable », conclut le professeur en psychologie.
*Le séminaire se tiendra les 26 et 27 septembre à Sciences-Po Formation continue à Paris
Sandrine Guinot